Bien entendu le cardinal de Richelieu en grand seigneur, de son vivant, n'a pas respecté cette maxime de son testament politique, puisqu'il a consacré des sommes "princières" pour faire construire entre autres son fameux palais de Richelieu, sur l’ emplacement du château familial, qui constituait avec la ville nouvelle aussi fondée par le cardinal un ensemble architectural structuré où la symétrie était reine.
Pour mesurer cette catastrophe le mieux est de visionner en 3D ce qu’était ce palais d’une richesse de peintures et de sculpture dignes de l’ homme de culture qu’était Richelieu féru des œuvres de la renaissance.
Il y avait des tableaux de Mantegna, Lorenzo Costa et Pérugin, les trois bacchanales peintes par le jeune Nicolas Poussin, ci-dessous.
Il y avait des sculptures, les chefs-d’œuvre de Michel-Ange, L'Esclave rebelle et L'Esclave mourant et une grande collection d’ antiques que Richelieu se procure à Rome par l’intermédiaire d’un réseau d’agents de confiance, notamment une statue d’ Antinous, un buste dit de Pyrrhus, roi d'Epire, un Buste de Démosthène etc...
On comprend l’ enthousiasme de La Fontaine qui a visité ce palais en septembre 1663 qui écrit à son épouse:
" On dit qu'il ne se peut rien voir de plus excellent, et qu'en ces statues Michel-Ange a surpassé non-seulement les sculpteurs modernes, mais aussi beaucoup de choses des anciens (...). L'ouvrier tire autant de gloire de ce qui leur manque que de qu'il leur a donné de plus accompli (...). Pour moi, ce n'est ni le marbre ni le jaspe que je regrette, mais les antiques qui sont en haut (du grand degré) ; particulièrement ce buste de l'empereur Adrien, Antinous, qui dans sa statue contestoit de beauté et de bonne mine contre Apollon, avec cette différence pourtant que celui-ci aurait l'air d'un dieu et l'autre d'un homme (...) »
« nous n'eûmes quasi pas le loisir de considérer ces choses ( les divers enrichissements et les meubles du château), l'heure et la concierge nous faisant passer de chambre en chambre sans nous arrêter qu'aux originaux des Albert-Dure (Durer), des Titians (Le Titien), des Poussins, des Pérugins, des Mantègnes (Mantegna), et autres héros dont l'espèce est aussi commune en Italie que les généraux d'armée en Suède ".
Il conclut :
Jean de La Fontaine, Lettre à Madame de la Fontaine
On va rapidement comprendre pourquoi je voue aux gémonies les sœurs d’ Armand Emmanuel Jean du Plessis de Richelieu, Mesdames de Montcalm et de Jumilhac et surtout le sieur Boutron.
Lors de la Révolution ce descendant de Richelieu émigra en Russie, s’engagea dans l´armée russe et devint gouverneur d´Odessa. Ses biens furent confisqués en 1792. De ce fait le domaine de Richelieu devint Bien National. Tallien et Lenoir envoyés à Richelieu pour expertiser le Domaine vendirent des meubles, des tableaux et des statues, mais ce qu´ils estimèrent digne des musées fut sauvé grâce à eux. Ainsi furent envoyés à Paris, les primitifs italiens, les Poussin, les Rubens, les Vouet. Plusieurs musées s´enrichirent de ces splendides marbres et tableaux entre autres Tours et Orléans.
En effet Mesdames de Montcalm et de Jumilhac vendirent en 1805 le palais ne pouvant plus en assumer les charges pour la somme de 153.000 livres (environ 1.3000.000 euros) au marchand de biens Boutron, qui entreprit aussitôt sa démolition pour en revendre en bon agent de la bande noire, (La Bande Noire désigne, une association de spéculateurs qui, sous la Révolution française, à partir de la mise sous séquestre des biens du Clergé (décrets des 13 mai et 16 juillet 1790) et des émigrés (décrets du 2 septembre 1792 et 3 juin 1793), s'entendaient pour acheter à bas prix les châteaux, abbayes, monuments d'art les plus précieux, dans le but de les revendre avec profit (parcellisation des anciens domaines) ou de les démolir et d'en vendre les matériaux),
pierres, marbres et tableaux qui restaient encore ; tout fut détruit et disparu, et à sa mort, sa fille, Madame Chapuis, continua l´oeuvre néfaste jusqu’ en 1835.
On comprend pourquoi malgré sa qualité de banquier je veux saluer Michel Heine, cousin du poète Heinrich Heine, beau-père du septième duc de Richelieu, qui acheta et entreprit de reconstituer le domaine, remit en état le parc et fit restaurer le pavillon des communs.
Après la démolition de l'aile Est vers 1900, seul le pavillon central des écuries fut conservé :
En 1930, le domaine est donné à l'Université de Paris par le huitième et dernier duc de Richelieu, qui meurt en 1952.
On comprend pourquoi je veux saluer Marie-Pierre Terrien, l’historienne qui fait revivre dans ses ouvrages et de vive voix en tant que conférencière, ce prestigieux palais, la ville endormie de Richelieu mais aussi la Sainte-Chapelle de Champigny-sur-Veude et ses splendides vitraux dignes de la Sainte-Chapelle de Paris, dans un état en ce qui concerne le mur extérieur, en danger d' effondrement :
Vous pouvez consulter le testament politique du cardinal de Richelieu en suivant ce lien :
http://scans.library.utoronto.ca/pdf/1/38/maximesdtatout01richuoft/maximesdtatout01richuoft.pdf